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  • Photo du rédacteurRomane

Le jour où j'ai décidé de prendre les psychédéliques qui ont changé ma vie

Mon père, plus que n'importe quelle campagne anti-drogue, a été la source de tant de mes angoisses et de ma haine envers la drogue. Elle m'avait pris mon père et je l'ai démonisé très jeune. J'avais 9 ans.


TW : usage de drogue (voir les effets négatifs en fin d'article)

"A daughter should not have to beg her father for a relationship"

Mon père n'a jamais eu la place pour moi, bien qu'il aie essayé, à sa manière. Après son divorce et un voyage en Thaïlande, il était revenu physiquement et mentalement transformé. C'est ce que j'ai connu la majeur partie de mon adolescence. Toujours extrême dans ses expériences, il partait de longues semaines dans des pays exotiques, probablement en quête d'identité, de révélation.


Petite, j'ai toujours ressenti 2 émotions contradictoires à son égard : la culpabilité et la colère. Et puis j'ai réalisé que ce sont les filtres avec lesquels j'ai grandis ; derrière la colère se cachaient tant d'autres émotions : la tristesse, l'incompréhension, l'angoisse. À mes yeux d'enfant, cet homme était un étranger. De cet non-relation découle une partie de ma dépendance affective. Si j'ai eu un père absent (« père absent » n'étant qu'une interprétation du résultat de mon filtre qui n'a sélectionné que ses absences dans ma mémoire, la réalité étant souvent moins radicale), je vais :

  • Reproduire des relations dans lesquelles les hommes s'absentent

  • Compenser ces absences en ayant très peu de relations avec les hommes ou au contraire en cherchant à fusionner avec eux.

Je vais donc à la fois m'identifier à « la personne que les hommes abandonnent tout le temps » et en même temps compenser par des stratégies qui ne font que renforcer mon schéma d'amour archaïque et créer des situations qui me prouveront que je suis bien abandonnée.


Mon père n'est pas "normal" Tant de fois, cette idée m'a traversé l'esprit et je maudissais le monde entier de ne pas avoir un père "comme les autres". Un père qui fumait du cannabis toute la journée, partait en Amazonie voir un shaman pour prendre de l'ayahuasca (puissant hallucinogène), un père qui buvait. Un père qui tentait aussi de me donner une éducation stricte sans comprendre qu'il oubliait l'essentiel : me voir, m'écouter ; tout ce qu'il n'avait pas du connaître avec ses parents. Alors je ne lui en veux plus, j'ai juste ce sentiment de gâchis.


Cette rencontre décisive

J'ai déménagé au Canada en Mars 2020, en pleine pandémie et sans vraiment de stabilité émotionnelle ni matérielle : il fallait trouver un appartement et un travail, vite, dans ce contexte de crise mondiale. J'ai atterris dans une colocation avec un skater de 35 ans, Kal, qui ne faisait pas grand chose de ses journées, et qui, je le réalise aujourd'hui, avait certains traits de ressemblance avec mon père ; lui aussi se sentait hors du système et plus intelligent que les autres. Lui aussi consommait beaucoup de drogues et me donnait des leçons de vie. Et lui aussi, m'a fait souffrir par son apparent savoir qui cachait de grandes insécurités. Notre relation amicale n'en était pas vraiment une, on se parlait sans parvenir à créer une réelle connexion. Pourtant il m'invite à certaines activités.

Nous partons camper, lui, sa copine et moi. Je suis déprimée, au plus bas, tout va mal dans ma vie à ce moment-là. Je suis vulnérable et tout ce que j'ai fait jusqu'ici me ramène toujours à mes angoisses et mes traumas. Alors peut-être que ce soir, là, dans un autre pays à des milliers de kilomètres de tout ce que j'ai toujours connu, au milieu de la forêt dans la nuit noire, sans réseau, entourée de ces gens que je connaissais si peu, peut-être que ce soir-là quelque chose a changé en moi. J'AI décidé de changer.


Kal sort un petit sachet plastique de sa poche et la tend à sa copine puis me la donne. Je fais tomber quelques branches séchées dans ma main, l'odeur est étrange, déplaisante. Sa copine me passe des bonbons en me disant que sans ça, ce ne sera pas bon. J'ai demandé au moins 10 fois "Non mais je vais pas en mourir quand même ?" même si je savais déjà que les psychédéliques naturels sont sans danger autre que celui de faire "un gros bad trip" et de vomir. Ils me rassurent une nouvelle fois :

"Si tu es avec des gens que tu apprécies, dans un endroit où tu te sens en sécurité, que tu te poses une question claire dans ta tête à laquelle tu as besoin de réponse, tout va bien se passer".

Des questions, ça, j'en avais. J'ai ris de nervosité, j'ai retenu mon souffle et puis sans réfléchir, j'ai avalé une branche, puis 3 ou 4. J'ai avalé des bonbons. Tout ça s'est passé en une seconde, et après l'excitation est venue la peur, celle d'avoir fait une sacré connerie qui allait me coûter cher, parce que j'allais perdre le contrôle, et que mon cerveau n'avait toujours eu que 2 modes : le chaos ou le contrôle. Mon style de vie sain m'avait maintenu dans un certain cadre jusque là et voilà que ce soir là je foutais un grand coup de pied dedans en avalant ces mêmes drogues que j'avais toujours redouté.

Tout a basculé

Je me suis éloignée du feu, je ne sais pas pourquoi. Je m'attendais à ce que ça me frappe d'un coup mais ça n'a pas été le cas. Je me suis assise près de la rivière, mes 2 acolytes me laissant aller sans me poser de question. J'ai regardé l'océan d'étoiles qui brillaient au-dessus de moi en cette soirée d'été. Et puis lentement, j'ai réalisé que je ne pourrais plus me lever. Mes jambes étaient comme paralysées. Comme le reste de mon corps. J'ai paniqué. Je me suis retournée si lentement que je pensais que je n'y arriverais pas. Surprise encore, je voulais appeler à l'aide, mais rien ne sortait. En réalité, tout de suite j'ai pensé "J'aimerais qu'ils viennent autour de moi d'eux-mêmes". Pas que j'ai à les appeler. C'est drôle parce que c'est l'histoire de ma vie ; j'ai toujours peur qu'on m'oublie, qu'on ne veuille pas de ma compagnie. Tout de suite, j'ai pensé "Je ne parviens pas à garder les gens dans ma vie, parce que j'ai besoin d'avoir une fonction, de leur apporter quelque chose, quitte à ne pas être moi-même. Je n'ai pas de relation stable parce que ma valeur dépend de ce que je donne et pas de ce que je suis."


Et puis lentement, j'ai repris le contrôle. Et j'ai éclaté de rire, sans bien comprendre pourquoi. J'ai éclaté de rire parce que c'est l'effet des mushrooms.


Comment les mushrooms marchent

Les mushrooms peuvent conduire à des sentiments de plénitude, de relaxation.

Comme d’autres drogues hallucinogènes, on pense que les mushrooms produisent la plupart de leurs effets en agissant sur les connexions nerveuses du cerveau qui utilisent la sérotonine. Plus précisément, les champignons magiques affectent le cortex préfrontal du cerveau, une partie du cerveau qui régule la pensée abstraite, l’analyse de la pensée et joue un rôle clé dans l’humeur et la perception.

Ils peuvent aussi vous faire halluciner (visuels et sons).



Ci-dessus : Visualisation des connexions cérébrales chez une personne sous psychédéliques (à droite) et chez une personne n'ayant rien pris.


Des chercheurs ont constaté une nouvelle activité plus forte dans plusieurs régions du cerveau qui, normalement, ne se livrent que rarement ou jamais à de tels échanges.

Ces hallucinations peuvent être essentielles pour comprendre comment les champignons pourraient aider à soulager la dépression.

Alors que certaines zones sont devenues plus prononcées, d’autres ont été atténuées - y compris dans une région du cerveau pensée pour jouer un rôle dans le maintien de notre sens de soi. Il existe plusieurs variétés de mushrooms avec des propriétés différentes, certains qui auront un effet plus physique que mental, d'autres qui vous plongeront dans un était plus introspectif et ceux qui vous ferons rire aux éclats pendant des heures.


Quatre heures qui ont changé ma vie

Pour la première fois depuis... toujours ? j'ai vu qui j'étais lorsque mon anxiété ne me domine pas. J'ai vu que j'étais capable d'avoir des réflexions censées, que mes idées étaient claires, que tout avait enfin un sens. Plusieurs fois, je me suis trouvée étonnée de l'intelligence de mes réflexions (et certains savent que ce n'est pas tous les jours que je me lance des fleurs).

Quand on a un cerveau dont les capacités cognitives sont affectées au quotidien, cela crée un véritable choc.

Toutes les peurs que j'avais quotidiennement m'ont paru absolument irrationnelles, pour la première fois de ma vie, c'est le plus grand soulagement que j'ai jamais ressenti. C'était comme si je m'observais dans mon entièreté pour la première fois et j'ai ressenti tellement d'empathie pour cette personne qui s'accablait inutilement.

Moi qui me pensais condamnée à ressentir toujours les mêmes émotions dans ce cercle infini de mêmes connexions nerveuses, j'ai découvert une autre personne, celle que je suis réellement, que je pourrais être.

Et au-delà de cela, j'ai eu l'impression de me reconnecter à la Terre. Je me sentais si bien au milieu de cette forêt. Je retrouvais enfin mon environnement originel. J'étais tout, je ressentais tout. Le monde extérieur et mon monde intérieur étaient reconnectés. Je suis heureuse que cette première expérience ce soit passée dans la nature.

J'ai aussi eu de petites hallucinations qui m'ont ému au plus haut point : je regardais et touchais les arbres, je leur demandais "Est-ce que tu m'en veux de faire partie de cette espèce qui détruit tout ?". Sans bien savoir comment, j'ai su que non. C'est comme s'ils m'avaient transmis ces mots "Nous observons, écoutons sans jugement, nous pardonnons" par le toucher. J'ai pleuré, j'ai ris. Je sentais les psychédéliques dans mes bras, mes jambes, battre au rythme de la musique.


Ce soir-là je me suis dit "Plus jamais sans".



Est-ce que les mushrooms m'ont sauvé ?

Au Canada, les mushrooms sont décriminalisés. Ce qui signifie que des magasins ont ouvert en jouant sur cette zone grise pour les vendre sous certaines conditions : dépression, anxiété, maladies auto-immunes, douleurs physiques... certains les prennent donc en micro dose tous les jours.

Moi, j'en prends très peu mais beaucoup à la fois, ce n'est pas quelque chose que je recommande, car c'est très intense et que ça file un sacré mal de crâne (et parfois de ventre) ; et que surtout il faut être dans un moment de sa vie où les choses sont stables sous peine d'avoir une mauvaise expérience. Pour moi, tout se passe toujours bien parce que j'ai toujours été extrême, alors je n'ai pas de mal à explorer mes émotions à la puissance 1000.

Alors non, les mushrooms ne sont pas magiques, malgré leur nom. Mais ils ont accomplit ce qu'aucune thérapie ne m'a offert précédemment :

Ils m'ont montré que je pouvais réellement être cette personne à laquelle j'aspirais au lieu de simplement me l'entendre dire par une personne externe. Et ça change tout.

Ils m'ont révélé à moi-même. Comme toute voie thérapeutique, cela demande du travail, des changements. Et ce n'est pas linéaire ni acquis. Mais ça en vaut la peine à mon sens.


DISCLAIMER : Les effets négatifs potentiels sont listés ci-dessous

  • Ce qui est communément appelé un "bad trip" peut se produire, en particulier à des doses élevées. Ces expériences peuvent être effrayantes et peuvent inclure la paranoïa, la perte du sens de la réalité. Un manque de jugement lors de ces "bad trips" peut conduire à des comportements à risque, qui peuvent alors conduire à des blessures traumatiques ou même à la mort.

  • Dans certains cas, les utilisateurs peuvent vivre des événements psychédéliques fréquents ou trop intenses qui peuvent induire des "flashbacks" brusques, c’est-à-dire revivre des expériences traumatisantes.

  • L’utilisation de champignons magiques avec des substances comme le cannabis, les amphétamines, l’alcool, etc., augmente les risques d’effets secondaires graves et d’événements indésirables.

  • Pour les personnes prédisposées à des troubles psychiatriques existants ou qui en souffrent, le risque d’effets secondaires peut être élevé. Cette association est toujours en cours d’évaluation.

  • Pour les personnes atteintes de maladies cardiaques, des effets à court terme comme une augmentation de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque pourraient être nocifs.












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